Chapitre 1 - Prélèvement sur une personne vivante

Première partie : Protection générale de la santé

Livre 2 - Don et utilisation des éléments et produits du corps humain

Titre 3 : Organes

L

Partie législative

Article L. 1231- 1

I.- Le prélèvement d'organes sur une personne vivante, qui en fait le don, ne peut être opéré que dans l'intérêt thérapeutique direct d'un receveur. Le donneur doit avoir la qualité de père ou mère du receveur.

Par dérogation au premier alinéa du présent I, peuvent être autorisés à se prêter à un prélèvement d'organe dans l'intérêt thérapeutique direct d'un receveur son conjoint, ses frères ou soeurs, ses fils ou filles, ses grands-parents, ses oncles ou tantes, ses cousins germains et cousines germaines ainsi que le conjoint de son père ou de sa mère. Le donneur peut également être toute personne apportant la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans avec le receveur ainsi que toute personne pouvant apporter la preuve d'un lien affectif étroit et stable depuis au moins deux ans avec le receveur.

II.-En cas d'incompatibilité entre une personne ayant exprimé l'intention de don et une personne dans l'intérêt de laquelle le prélèvement peut être opéré en application du I rendant impossible la greffe, le donneur et le receveur potentiels peuvent se voir proposer le recours à un don croisé d'organes. Dans ce cadre, le nombre maximal de paires de donneurs et de receveurs consécutifs est limité à six.

Le don croisé d'organes consiste pour un receveur potentiel à bénéficier du don d'une autre personne qui a exprimé l'intention de don et également placée dans une situation d'incompatibilité à l'égard de la personne dans l'intérêt de laquelle le prélèvement peut être opéré en application du I, tandis que cette dernière bénéficie du don d'un autre donneur.

Pour augmenter les possibilités d'appariement entre les donneurs et les receveurs engagés dans un don croisé et en substitution au prélèvement de l'un des donneurs vivants, il peut y avoir recours à un organe prélevé sur une personne décédée, dans les conditions fixées à l'article L. 1232-1.

En cas d'échec du prélèvement sur un donneur ou de la greffe sur un receveur, l'Agence de la biomédecine est informée sans délai et applique les règles de répartition mentionnées à l'article L. 1231-1 B les plus favorables au receveur compte tenu de sa situation.

Lors de la mise en œuvre d'un don croisé, l'ensemble des opérations de prélèvement se déroulent dans un délai maximal de vingt-quatre heures. Les opérations de greffe sont réalisées consécutivement à chacun des prélèvements. L'anonymat entre donneur et receveur est garanti.

III.-Le donneur, préalablement informé par le comité d'experts mentionné à l'article L. 1231-3 des risques qu'il encourt, des conséquences éventuelles du prélèvement et, le cas échéant, des modalités du don croisé, doit exprimer son consentement au don et, le cas échéant, au don croisé devant le président du tribunal judiciaire ou le magistrat désigné par lui, qui s'assure au préalable que le consentement est libre et éclairé et que le don est conforme aux conditions prévues aux premier et second alinéas du I et, le cas échéant, au II. En cas d'urgence vitale, le consentement est recueilli, par tout moyen, par le procureur de la République. Le consentement est révocable sans forme et à tout moment.

IV.-L'autorisation de prélèvement sur une personne mentionnée au second alinéa du I est délivrée, postérieurement à l'expression du consentement, par le comité d'experts mentionné à l'article L. 1231-3.

Les prélèvements sur les personnes mentionnées au premier alinéa du I peuvent également, sauf en cas d'urgence vitale, être soumis à l'autorisation de ce comité lorsque le magistrat chargé de recueillir le consentement l'estime nécessaire.

L'Agence de la biomédecine est informée, préalablement à sa réalisation, de tout prélèvement d'organes à fins thérapeutiques sur une personne vivante.

V.-Le Gouvernement remet au Parlement tous les quatre ans un rapport sur l'application du présent article, et notamment les dérogations autorisées au titre du second alinéa du I.

Article L. 1231- 2

Aucun prélèvement d'organes, en vue d'un don, ne peut avoir lieu sur une personne vivante mineure ou sur une personne vivante majeure faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation à la personne.

Article L. 1231- 3

Le comité d'experts dont l'intervention est prévue aux articles L. 1231-1, L. 1241-3 et L. 1241-4 siège en deux formations de cinq membres désignés pour trois ans par arrêté du ministre chargé de la santé. Trois de ces membres, dont deux médecins et une personne qualifiée dans le domaine des sciences humaines et sociales, sont communs aux deux formations. Lorsque le comité se prononce sur les prélèvements sur personne majeure mentionnés aux articles L. 1231-1 et L. 1241-4, il comporte un psychologue et un médecin. Lorsqu'il se prononce sur les prélèvements sur personne mineure mentionnés à l'article L. 1241-3, il comporte une personne qualifiée dans le domaine de la psychologie de l'enfant et un pédiatre. Les cinq membres du comité d'experts sont désignés par l'Agence de la biomédecine parmi les membres disponibles figurant sur l'arrêté susmentionné. Le comité ainsi constitué délivre son autorisation par tout moyen. En cas d'urgence vitale, l'information prévue au III de l'article L. 1231-1 est délivrée par le praticien qui a posé l'indication de greffe ou par tout autre praticien du choix du donneur.

Le comité se prononce dans le respect des principes généraux énoncés au titre Ier du présent livre.

Afin d'apprécier la justification médicale d'un prélèvement et d'une greffe d'organe, les risques que le prélèvement est susceptible d'entraîner pour le donneur ainsi que ses conséquences prévisibles sur les plans physique et psychologique, le comité peut avoir accès aux informations médicales concernant le donneur et le receveur potentiels. Ses membres sont tenus de garder secrètes les informations dont ils ont connaissance en raison de leurs fonctions.

Les décisions prises par le comité ne sont pas motivées.

Article L. 1231- 4

Les modalités d'application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d'Etat, notamment :

1° Les dispositions applicables au don croisé d'organes, dont les modalités d'information des donneurs et receveurs engagés dans celui-ci ;

2° Les conditions de fonctionnement du comité mentionné à l'article L. 1231-3.

Textes applicatifs

R

Partie réglementaire

Section 1 : Information

Article R. 1231- 1-1

Le médecin responsable du service, du département ou de la structure de soins de l'établissement de santé dans lequel le prélèvement est envisagé, le cas échéant dans le cadre d'un don croisé saisit le comité d'experts mentionné à l'article R. 1231-5. Il informe de cette saisine le directeur de l'établissement.

L'information délivrée au donneur par le comité d'experts ou, en cas d'urgence vitale, par le médecin qui a posé l'indication de greffe ou par tout autre médecin du choix du donneur porte sur les risques encourus par le donneur, sur les conséquences prévisibles d'ordre physique et psychologique du prélèvement, sur les répercussions éventuelles de ce prélèvement sur la vie personnelle, familiale et professionnelle du donneur ainsi que, le cas échéant, sur les modalités d'un don croisé, notamment sur la possibilité de recourir à un organe prélevé sur une personne décédée en substitution au prélèvement sur l'un des donneurs vivants, pour augmenter les possibilités d'appariement. Elle porte également sur les résultats qui peuvent être attendus de la greffe pour le receveur. Le donneur est également informé de la nécessité de prélever et de conserver des échantillons biologiques à visée de biovigilance ainsi que de leur possible utilisation à des fins scientifiques dans le respect des dispositions de l'article L. 1211-2.

Le comité d'experts procède à l'audition du donneur et s'assure que ce dernier a mesuré les risques et les conséquences du prélèvement au vu de l'information qui lui a été délivrée.

Section 2 : Consentement

Article R. 1231- 2

Le donneur exprime son consentement, le cas échéant à un don croisé, devant le président du tribunal judiciaire ou son délégué saisi par simple requête. Si le recours à un don croisé est prévu, la requête en fait mention. Le ministère d'avocat n'est pas obligatoire.

Le donneur saisit le tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe soit l'établissement de santé où le prélèvement est envisagé, soit l'établissement de santé où le receveur est hospitalisé, soit, si le donneur réside en France, son lieu de résidence.
 

Article R. 1231- 3

L'acte par lequel est recueilli le consentement, le cas échéant à un don croisé est dressé par écrit. Il est signé par le magistrat et par le donneur.

Lorsque le magistrat estime que le prélèvement doit être autorisé par le comité d'experts en application du deuxième alinéa du IV de l'article L. 1231-1, il en fait mention dans l'acte par lequel est recueilli le consentement.

La minute de l'acte par lequel est recueilli le consentement est conservée au greffe du tribunal. Une copie en est adressée au donneur et au médecin responsable du service, du département ou de la structure de soins de l'établissement de santé dans lequel le prélèvement est envisagé, qui la transmet au directeur de l'établissement.
 

Article R. 1231- 4

Lorsque l'urgence vitale est attestée auprès du procureur de la République par le médecin responsable du service, du département ou de la structure de soins de l'établissement de santé dans lequel le prélèvement est envisagé, qui précise que le donneur a reçu une information sur les risques et les conséquences du prélèvement, le donneur adresse par tout moyen au procureur de la République un document signé dans lequel il fait part de son consentement au don et atteste de la nature de son lien avec le receveur.

Le procureur de la République atteste par écrit qu'il a recueilli le consentement du donneur. Il communique cet écrit par tout moyen au donneur et au médecin responsable du service, du département ou de la structure de soins de l'établissement de santé dans lequel le prélèvement est envisagé, qui le transmet au directeur de l'établissement.

Section 3 : Comités d'experts

Article R. 1231- 5

Le comité d'experts constitué par l'Agence de la biomédecine dans les conditions prévues à l'article L. 1231-3 siège sur l'un des sites désignés par cette dernière. La liste des sites est communiquée au donneur par l'établissement de santé dans lequel le prélèvement est envisagé.

Le donneur choisit au sein de la liste qui lui est communiquée le lieu de réunion du comité.

Article R. 1231- 6

La liste des personnes susceptibles d'être désignées par l'Agence de la biomédecine pour siéger au comité d'experts est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé après avis du directeur général de cette agence.
 

Article R. 1231- 7

Les membres du comité d'experts sont rémunérés sous la forme de vacations forfaitaires versées en contrepartie de leur contribution à la préparation et au suivi des séances. Ceux qui subissent une perte financière dûment attestée du fait de leur participation à ces travaux perçoivent en outre une indemnisation sous la forme de vacations forfaitaires.

Les vacations forfaitaires mentionnées au premier alinéa sont calculées en fonction du nombre de séances auxquelles les membres du comité ont participé. Les taux de ces vacations sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du budget. Ces vacations sont versées par l'Agence de la biomédecine.

Les membres du comité d'experts sont remboursés de leurs frais de déplacement par l'Agence de la biomédecine dans les conditions prévues par la réglementation applicable aux fonctionnaires de l'Etat.

Le secrétariat du comité d'experts est assuré par les services de l'Agence de la biomédecine qui conservent une copie des décisions rendues par le comité dans des conditions propres à garantir leur confidentialité.

Section 4 : Autorisation

Article R. 1231- 8

Le donneur adresse au comité d'experts mentionné à l'article R. 1231-5 une demande d'autorisation de prélèvement, le cas échéant dans le cadre d'un don croisé, qu'il accompagne d'une copie de l'acte par lequel a été recueilli son consentement.

Le comité d'experts procède à toutes les investigations et à toutes les consultations qu'il estime nécessaires pour éclairer sa décision. Il peut solliciter les explications écrites ou orales du médecin qui doit procéder au prélèvement, du médecin responsable du service, du département ou de la structure de soins dans lequel le prélèvement doit être effectué ou du médecin qui a posé l'indication de greffe.
 

Article R. 1231- 9

Le comité d'experts ne peut délibérer valablement que si ses cinq membres sont réunis. Lorsque des circonstances particulières le justifient, le comité peut, en tout ou partie, siéger à distance par tout moyen de communication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission.

Le comité d'experts statue à la majorité de ses membres.

La décision est signée par les membres du comité. La signature des membres siégeant à distance peut être recueillie par voie dématérialisée.
 

Article R. 1231-10

Le comité d'experts communique sa décision par écrit au donneur et au médecin responsable du service, du département ou de la structure de soins de l'établissement de santé dans lequel le prélèvement est envisagé, qui la transmet au directeur de l'établissement.

En cas de recours à un don croisé d'organes, le médecin responsable de la structure de soins de l'établissement de santé dans lequel le prélèvement est envisagé transmet à l'Agence de la biomédecine une copie de l'acte par lequel a été recueilli le consentement du donneur aux fins d'inscription dans le registre des paires associant donneurs vivants et receveurs potentiels ayant consenti à un don croisé d'organes, mentionné au 7° de l'article L. 1418-1, ainsi qu'une copie de l'autorisation de prélèvement accordée par le comité d'experts, lorsque cette autorisation est requise en application du IV de l'article L. 1231-1. Après réception de ces documents, l'agence peut émettre une proposition d'appariement de donneurs et de receveurs potentiels ayant consenti à un don croisé d'organes, dans le respect du principe d'anonymat posé au II de l'article L. 1231-1. Lorsqu'une telle proposition est émise, elle est transmise au médecin responsable de la structure de soins de l'établissement de santé dans lequel le prélèvement est envisagé.